Renoncer au découpage heures/minutes/secondes

Pourquoi aucun politicien, nulle part, n’a-t-il jamais proposé d’abolir le découpage du temps en heures, minutes et secondes ? Après tout, ce découpage est tout à fait arbitraire. Il s’agit d’une pure création des êtres humains, qui n’a rien à voir avec la nature, et du seul vrai “ordre mondial” jamais remis en cause par aucun état souverain alors même que c’est lui qui rend le travail aliénant. Lui qui permet de synchroniser les armées et d’organiser la guerre à grande échelle. Lui qui permet à l’économie financière d’être décorrélée de l’économie réelle. Lui qui rend les rapports humains si compliqués, bizarres et insatisfaisants. Lui qui a transformé la pratique sportive en une compétition permanente.

Nous faisons systématiquement l’expérience de l’absurdité d’un tel découpage. En matière de temps, la pratique contredit en effet la théorie qu’on nous impose : cette heure est passée trop vite, alors qu’on n’a pas vu passer la suivante, etc. Les heures ne disent rien du jour et de la nuit, des années, des saisons, des cycles, au point que nous sommes obligés de changer d’heure deux fois par an, ou de ne pas en changer, ce qui, dans les deux cas, est absurde. Ce découpage heures/minutes/secondes n’a été possible qu’une fois que la philosophie avait tourné le dos pour de bon à l’analogie. C’est le chef d’œuvre du nominalisme victorieux, et le vrai seuil de ce qu’on appelle la modernité.

Je l’écris encore une fois : pourquoi aucun politicien, nulle part, n’a-t-il jamais proposé d’abolir le découpage du temps en heures, minutes et secondes ? Ce découpage est une arme politique majeure. Ce n’est pas pour rien qu’une grande horloge est accrochée aux frontispices des mairies, des places boursières, des banques. Et je ne peux pas voir une belle montre sans penser que celui qui la porte a accepté d’être réduit en esclavage à condition que sa chaîne soit en or.

Renoncer au découpage heures/minutes/secondes, et organiser la journée en “début de matinée”, “fin de matinée”, “milieu de journée”, etc.,  rendrait au cours des choses la mesure et l’ordre : l’équilibre. Cela contribuerait à sauver l’environnement, mais aussi les rapports sociaux et le rapport à soi-même. Il y aurait beaucoup moins de trains, moins d’avions, moins de guerres aussi, moins d’usines, moins de villes, et, disons-le, moins de connards. Un tel renoncement n’aurait rien d'”idéaliste” puisque c’est ce découpage au contraire qui est une pure idée, un pur idéalisme. Il s’agit donc d’une idée tout à fait pragmatique, laquelle pourrait constituer une vraie solution, et peut-être même la seule solution possible, mais qui demandera un courage absolument héroïque à ceux qui voudront la mettre en œuvre. Il n’en faudra pas moins pour sauver l’humanité.

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Guillaume Sire
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3 Responses to Renoncer au découpage heures/minutes/secondes

  1. me semble que dans je ne sais plus quel western, les indiens qualifient les montres de petits moulin à moudre le temps, et plaignent les malheureux qui abdiquent ainsi leur liberté contre une poussière de temps émiettée…(ou alors je l’ai imaginé, ce qui revient au même).
    et je voterai pour le premier politicien qui renoncera aux secondes (il faut un début) !

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  2. Pingback: Les heures pas perdues | Carnets Paresseux

  3. Vérojardine says:

    Certains ont le temps, d’autres la montre. Hélas même sans montre, le temps clignote, fagote, ligote, et le machinal, la machine deviennent l’environnement, l’ambiance… Je vote aussi pour le politicien qui aboli les secondes et garde la pulsation !

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