Au banquet d’Assuérus

[Dans les grands linges neigeux tombés sur le soleil : aux cieux moirés, aux terminaisons latines… Autrement dit pour l’hôte de ce divin banquet, et à ceux qui le reconnaîtront.]

En cent quatre-vingt jours (la moitié d’une année), les Perses ont inventé la fête. Et en sept jours : l’éternité.

C’étaient de toutes parts des tentures azurées, des cordages de soie, des tombereaux de fleurs et des fontaines de vin,

Et c’était dans les vasques d’émeraude, sous les colonnes de Paros, la cloche inerte du Tout-Puissant : le Septième jour en acte, celui du désir, qui appartient aux Hommes.

La reine Vashti n’est pas venue. Parfois le destin de Dieu tient à de très petites choses : chez les hommes au calcul, à l’anxiété, et chez les femmes à la paresse — il n’en fallut pas plus pour immoler l’Agneau.

La reine Vashti n’a pas avancé vers le monde. Elle n’a rien séduit. Elle n’a pas banqueté.

Pourtant le vin coulait, et les convives dansaient dans la soie et le miel. Aux forgerons de Suse, Assuérus avait commandé des baldaquins de platine. Aux pêcheurs : de longues ficelles de nacre et de corail. Aux tisserands : d’en faire des draps — et la Beauté ne venait pas.

De l’Inde à l’Éthiopie (cent-vingt-sept provinces), l’encens dans la sébile avait l’odeur des veaux, sa cendre était sucrée — mais la Beauté ne venait pas.

Pourtant quelle fête c’était, et quelle grandeur avaient les silences quand dans l’ivresse on s’endormait. Oh, quel goût cela avait ! Seigneur, comme l’amour était rouge !

Au roi son époux, Vashti répondit comme à Dieu Lucifer : « non serviam », incertaine par nature, volontairement illégitime…

Elle disparaît quand on la cherche, impatiente, rancunière comme une française… Française et infidèle, vorace, hypocondriaque !

Dieu lui pardonnera à la dernière heure du jour. « La prochaine fois que Je t’appelle… — Pour ça on verra. »

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