[Aux klaxons du cinéma en plein air. Aux crieurs : leurs poings… Aux mâles rugissants…]
Donne à mes yeux ce qu’à mes ennemis il manquera pour pleurer. Donne-moi, Seigneur, de les avoir rassurés.
À ce garçon grassouillet et violent qui ce jour souhaitait m’humilier, sur le parking — dans la misère, un samedi, de ce parking, hein, sous la dent infernale d’un “grand magasin”… — donne la joie d’être sauvé.
Donne à mon regard une douceur d’autant plus dure au mal qu’en moi elle y aura été substituée.
À ce garçon, aux ténèbres de sa solitude — sa solitude spirituelle, cette gélatine sous ses lunettes de soleil, ah et devant ses mains, partout où il creuse : cette texture de lézard… — donne le quinquet de l’altérité.
Choisis-moi pour témoin : apprends-moi à parler.
Je lui donnerai mes phrases pour amies. Je lancerai vers lui — vers son labyrinthe, à ses fausses idoles — les lignes de mes psaumes.
Donne à mon sang la couleur du tien. Configure-lui Tes plaies.
Je gravirai pour lui Sinaï et Golgotha. Je cracherai comme une chouette : des poils, des os, des échardes inouïes…
À ce garçon fais voir à travers mon pardon la certitude de Ta paix.
Suspends-le au croc de l’aurore. Allume dans sa soif la lampe d’une oasis.
Donne-moi les vertus de Ton fils lorsque, devant Pilate, plutôt que de se justifier…
Dans ce garçon qui n’était peut-être pas si violent après tout et qui n’était pas si grassouillet, donne-moi de contempler l’ampleur de ce à quoi j’aurai manqué.