Résilience mes couilles

On ne compte plus les livres écrits pour vanter la résilience. Romans, essais, chansons… toujours la résilience ! Comme si elle était la plus grande des vertus ! Résister, accepter, amor fati gnagnagna… On barbote dans un spinozisme même pas spinoziste, et tout le monde est content ! Et ça vend à fond, au doublier de la résilience! On la pomponne au bleu, on la frotte à la paille, on la repeint d’agrandissement! Sainte résilience! Plusieurs fois on a même indexé mes romans à cette vertu littératrice — et quoi d’étonnant au fond puisque plus personne à part moi ne sait lire!

Il faut être bête pour être résilient, bête comme une bête — les animaux seuls sont résilients. Aucune vache, aucun insecte, aucun blaireau, aucune baleine ne se plaint de l’injustice de la vie. Aucun n’insulte Dieu. Aucun ne se jette par-derrière pour toucher son manteau. Les animaux ne pleurent pas. Ils ne peignent pas non plus d’oeuvre d’art au fond d’une grotte sombre et dangereuse. Moi je chiale à coeur ouvert! Je vomis l’injustice du monde! Je déteste le Mal haut et fort! Je n’accepte pas la Vie! J’appartiens au sabachthani. Aimer la vie consiste à dénoncer la perpétuelle injustice qu’elle nous fait subir et dont elle nous rend témoin. Être en vie c’est refuser d’être résilient ! Pour cela deux chemins possibles : la sainteté ou l’art. Tout le reste est mensonge. Les partis, les groupes, les associations, les nations, les entreprises, les facultés, la philosophie… tout ce qui est là pour nous rassurer et nous faire accepter notre délire collectif, en nous laissant penser que la vie sera un jour moins injuste si nous nous en donnons les moyens… C’est de la merde, voilà ! C’est la mort illico ! Fuck la résilience ! Vive la méchanceté et l’anarchie ! La vie sur Terre est injuste. Écrasons-lui la gueule. Devenons des papillons du Royaume! Plaignons-nous, comme Job! comme Ivan Ilitch! et comme tout ce qu’il y a de ridicule dans l’être — ridicule et désespéré — parce que c’est cela qui est humain.

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