La société-louve et l’individu-loup

Les blockbusters américains servent à régler le degré zéro de la civilisation occidentale ; ils révèlent les contours de ce territoire insensé et désespérant où notre avenir est ramassé. Il faut y prêter attention, donc, surtout quand deux d’entre eux sont consacrés à des sujets différents mais ont recours à une architecture narrative et à des procédés mythologiques trop similaires pour que cela puisse être imputé au hasard.
Dernièrement, deux films ont présenté l’anomalie : The Martian et The Revenant. Dans les deux productions le héros est laissé pour mort en territoire hostile. Tout indique qu’il doit mourir au point que la certitude de la mort se confond avec la mort elle-même, comme si la vie, finalement, n’existait pas (pas pour lui en tout cas, plus maintenant).
Le spectateur en vient à souhaiter la mort du héros pour le bien du héros.
Pourtant (désolé pour le spoil), le héros ne meurt pas. Il grelotte de peur mais il ne meurt pas.
La collectivité est désavouée : les autres ont abandonné le personnage principal car ils croyaient qu’il était mort et parce que leur survie n’était possible qu’à condition qu’il le soit. C’est bien connu : on a tendance à croire ce qui nous arrange.
Mais la mort ne vient pas. Le héros ne meurt jamais, c’est ce qui fait de lui un héros entouré de types cons, lâches et, donc, mortels. Les femmes ne sont même plus des faire-valoir. Elles n’existent pas. S’il y en a bien une ou deux qui apparaissent ponctuellement, quota oblige, elles ne servent à rien. Le réalisateur ne nous gratifie même pas de la scène de missionnaire passionné pourtant incontournable dans les films hollywoodiens… Sur mars et dans la forêt canadienne, il n’y a de place ni pour l’amitié, ni pour l’amour, ni pour le cul. L’ours femelle qui protège les oursons dévorent le pauvre Léonardo Di Caprio. La femme du cosmonaute lui demande de rentrer s’occuper de ses enfants plutôt que d’aller risquer sa vie pour sauver Matt Damon. Le message est clair : les femmes et les enfants n’apportent que des emmerdes à l’homme de bonne volonté.
Naturellement personne ne croit en Dieu, et surtout pas le héros (il ne faut pas diminuer ses mérites). Dieu n’existe pas. Il est mort, lui, pour de vrai. Le Salut vient de soi-même, contre les autres et sans transcendance. Le héros ne sait pas pourquoi il a envie de vivre, mais il en a envie, au point de survivre aux embuches plantées sur son chemin par la connerie et la lâcheté de tous les autres. S’ils en ont, les scénaristes de ces deux films doivent détester leurs frères et soeurs. Et d’une manière ou d’une autre, ils ont dû se sentir abandonnés par leurs parents.

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Guillaume Sire
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