L’esprit des formes

Ceci est un amas désorganisé de notes prises après la lecture de L’esprit des formes et recopiées sans travail.

Dans un triple mouvement de l’esprit, Elie Faure imagine, décrit et décrypte un lien entre l’architecture — art social, structure, cohésion obligée — et la sculpture, pour laquelle l’individu est localisé et se détache du social sans pour autant être isolé ou s’en arracher.

Il y a continuité : la sculpture (plan) procède de l’architecture (profil).

La peinture crée tout à partir de rien, sa vocation est de tromper l’esprit en envahissant l’oeil. La peinture ne propose rien au réel. Elle invente un autre réel. L’individu se prend pour Dieu au point qu’il finira par croire qu’il n’a plus besoin de Dieu et qu’il vendra son âme au diable, c’est l’histoire du portrait de Dorian Gray.

Mouvement mimétique, envie : la sculpture imite la peinture, elle se prend pour elle : jouer avec l’ombre, défier la lumière.

Les drapés s’épaississent, les singularités, la présence réelle cède à la représentation grégaire. L’être rompt avec l’étant. Adieu, rêve d’unité. Adieu, silence parfait de l’antiquité d’Homère et du moyen-âge en France (Simone Weil, L’inspiration occitane).

La peinture disperse les individus. C’est déjà la télé. Aujourd’hui, l’individu « s’éclate ». Guy Debord, Philippe Muray, etc. (Avant eux, Tertullien… )

La musique symphonique rassemble les individus sans les faire communier. Elle a une audience, masse discrète d’individus, mais il n’y a pas de continuité autour d’elle, par elle, aucun mouvement ascendant, il n’y a pas de public. C’est une horizontalité tonitruante, mais horizontale. Il n’y a pas de silence dans cette musique, parce qu’il n’y a pas Dieu. Adieu, le public. La symphonie, c’est le début de la communication.

Mouvement mimétique, envie : la peinture aussi devient symphonique. Alors la sculpture devient symphonique. Cela donnera l’architecture grotesque du dix-neuvième siècle (les cuisses de la Madeleine…).

Aujourd’hui : architecture liquide, désaxée, sociologique, prétentieuse.

Ou bien : bâtiments petits, pratiques, sols faciles à laver, chambres administratives, loi Carrez, opérations immobilières, etc.

La musique a couronné l’individu, l’architecture l’a logé.

La poésie pendant ce temps s’est déformée, surtout chez nous où elle est privée d’accent tonique, donc beaucoup plus radicale et majestueuse, certes, mais plus vulnérable aussi. René Char a eu un succès mitigé, tandis qu’on adorait ce con de Jacques Prévert et les couillons de l’OuLiPo. Le poème, lui aussi, avait éclaté (Jamais un coup de dés…). Paul Claudel était grec. Charles Péguy était grec. André Suarès était grec. Paul Valéry était grec. René Char était grec. Simone Weil était grecque. Gustave Thibon était grec. Il y a eu quelques grecs encore mais il y a surtout eu des romanciers. Il y a eu André Gide, un con. Sartre, un con. Et d’autres cons. D’autres obsédés. Il y avait eu de grands poètes, il y a eu des individus. La littérature est devenue un jeu de mots perpétuel : recherche de la bonne phrase, titres-slogan, effet à tout prix, encore de la communication. C’est devenu de la publicité. Adieu, Eschyle. Le marché l’a enveloppée dans son voile merdique. La littérature est devenue un divertissement, une autre manière pour faire du fric, les lois de l’offre et la demande. Il y a eu Angot et Beigbeder. Le « je » n’est même pas un autre ou quelque chose d’autre depuis qu’il croit qu’il peut être quelqu’un ou quelque chose en ne s’appuyant sur rien ni personne. Salopard d’individu, horizontal comme une flaque trop trouble pour que le ciel s’y reflète. Une flaque de mazout. L’art a été désiré jusqu’au bout. Il y a des animaux maintenant sur le trône adamique : des singes cannibales. Les sacrifices sont revenus : bientôt on exécutera en direct les candidats à la télé. On consomme, on aboie, on signe, etc. Et alors ? Rien. Les mots ne signifient rien. On s’éclate, on s’est éclaté, le centre est nulle part. Sphère réduite au disque : des ronds dans la flaque de mazout. Périphérie partout. Réseaux. Il n’y a que la mort qui soit encore vraie.

 

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Guillaume Sire
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