Il y a dans cette pièce (et son histoire : la traduction de Goethe, les vieux papiers d’un bouquiniste des bords de Seine…) une dynamique extrêmement française, un humour intelligent, coquin sans perversité, à deux doigts du cynisme, sauvé par sa fraîcheur, son allant, sa perméabilité et une manière d’insolence décrétée. Le désabusement est sans cesse remis à plus tard, on se dit que l’amour est possible. Il suffirait qu’une femme surgisse pour que “moi” et “lui” s’entretuent ou s’adorent, croient en dieu, au diable, qu’ils recommencent leurs vies.
Les sentiments sont empiriques, constatés, la théorie ne pèse pas, les réflexions ne demandent pas mieux que d’être retournées contre elles-mêmes par quelque coup du sort. Le cartésianisme continue de s’étonner et de ne rien conclure qui n’amplifierait son étonnement. Il y a du Figaro dans « moi » et du Alceste dans « lui ». C’est simple comme un trait, pourtant il y a des trouvailles, du style, certains décalages narratifs, des surprises. Candide et L’Ingénu n’arrivent pas, je crois, à la cheville du Neveu de Rameau.