Cartésianisme

— Oh tu sais, dit Polo, moi je suis plutôt cartésien, je ne crois ni en Dieu ni en aucun truc surnaturel.
— Cartésien, répond Michel, tu veux dire que tu penses comme Descartes, comme René Descartes ?
— Oui, répond Polo fièrement.
Et puisque Sylvie est en train d’écouter, il ajoute :
— Celui qui a écrit Le discours de la méthode.
— Quelle culture, constate Sylvie.
Michel plisse les yeux.
Le discours de la méthode ?
— Oui, dit Polo en regardant Sylvie.
— Dommage que tu ne l’aies pas lu, répond Michel avec une tendre méchanceté.
— Mais si !
Trop tard : Sylvie est décalée vers le buffet.
— Dans ce livre, rappelle Michel à Polo qui ce soir — comme les autres soirs depuis mille ans — ne tirera pas son coup, Descartes entend prouver l’existence de Dieu.

Avec qui Michel aurait-il pu évoquer la portée et les limites de l’argument ontologique (le concept de Dieu est manifeste, donc Dieu se manifeste), de la garantie divine (Dieu n’est pas un malin génie, donc ce qu’il manifeste ne peut pas ne pas correspondre à la chose en soi), de la création des vérités éternelles (si Dieu l’avait voulu, la vérité serait autre chose) ou du principe de création continuée (le monde est créé par Dieu à chaque instant) ? Y avait-il encore des kantiens ? Y a-t-il eu des cartésiens, après Leibniz qui fut à la fois son dernier disciple et son premier contempteur  ? Qui pourrait mesurer l’ampleur du malentendu cartésien (qui est à la raison ce que le malentendu duchampien est à l’art plastique) ?

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Guillaume Sire
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