De la charité bien comprise

L’évangile du jour (Luc, 16 : 19-31) a l’air de dire que si les riches ne donnent pas d’argent aux pauvres ils brûleront en enfer. Le riche a de l’argent. Le pauvre n’en a pas. Le riche est à l’intérieur. Le pauvre à l’extérieur, il a froid, les chiens lèchent ses ulcères. Dans l’Éternité, le riche est en enfer, car il n’a pas donné d’argent au pauvre dans le Temps. Et le pauvre est au paradis, car il est innocent, il était pauvre.

Facile d’écouter cet évangile quand on n’a pas, ou peu, d’argent. Facile de regarder du coin de l’œil celui qui de toute évidence en a beaucoup (belles montre, chemise, chaussures, voiture, etc.).

Mais qu’est-ce que la richesse au juste ? De quoi suis-je riche ? Est-ce que je le partage ? Le chrétien en général ne croit pas que l’argent soit la vraie richesse. Ainsi quand il le donne, il donne ce qui selon lui n’est pas essentiel. Mais ce n’est pas là la Charité véritable. La générosité n’est pas systématiquement la Charité véritable, parce que la Charité véritable consiste à donner ce qui est essentiel, comme la femme pauvre (Marc 12, 41-44). Il faut donner ce qui nous coûte.

Si l’on connaît la vérité, la garder pour soi, c’est se comporter comme l’homme riche. Si l’on sait où se trouve la beauté, ne pas la montrer, c’est se comporter comme l’homme riche. Il faut sortir, trouver Lazare, et le conduire à la vérité, à la beauté — voilà ce qui est bon. Il ne faut pas craindre ses ulcères, toute sa misère. Cette misère n’est pas absence d’argent, mais absence de lumière. Il faut lui porter la lumière, le conduire jusqu’à la lumière.

L’évangile du jour ne nous demande pas de donner de l’argent, mais ce qu’on a de plus cher. Or celui qui n’a rien de plus précieux que son argent, celui-là est un homme pauvre, et il ressemble davantage à Lazare couvert d’ulcères qu’à l’homme riche. Il est à la fois pauvre et innocent, il ne sait rien, puisque rien ne compte à ses yeux sinon l’argent. Celui qui n’a pas d’argent mais qui a l’amour, et qui connaît l’amour, celui-là est un homme riche, et s’il ne va pas trouver le pauvre, ce pauvre-là qui a l’argent, pour lui donner l’amour, s’il ne va pas le trouver malgré les ulcères qui le dégoûtent (les signes de l’argent, la maison à colonnes, la voiture invraisemblable… voilà les ulcères), il n’aura pas été à la hauteur de cet amour qui lui a été donné.

De quoi sont pauvres ceux-là en particulier qui sont pauvres à ma porte ? De quoi sont-ils exclus précisément parce que cette porte fermée devant eux est la mienne ? Quels sont ces ulcères qui me dégoûtent mais qui attirent les chiens au point qu’ils les lèchent ?

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Guillaume Sire
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