Ariane, je viendrai te chercher dans l’envers des paysages, au creux des préliminaires brûlants et salés, et dans la douleur, dans les vents perdus ;
Je viendrai te prendre chez ton mari, chez tes enfants, dans les souvenirs auxquels tu auras pensé sans moi ;
Je serai dans ta chambre, j’y suis déjà, dans l’ombre sous ton agenda pourri et tes collègues nauséabonds et ta patronne et tes patrons et le rien de leurs hymnes ;
Je viendrai dans ta ville, je retournerai ta ville, j’envahirai ton pays, je trahirai les foules d’Athéniens à la gueule ravie, avec ou sans qui j’aurai fondé notre empire ;
Je viendrai dans la piété, je viendrai dans le courage, je réinventerai la piété et le courage,
Je viendrai te chercher Ariane dans l’amour des autres et jusqu’au cœur lacéré du Roi Jésus, sur sa croix d’échardes, à ses crochets de fer ;
Et je t’emmènerai !
Je t’emmènerai où rien n’est normal, où tout est neuf, même les pierres et le baiser immonde des poissons-chats à la surface de l’eau ;
Je t’emmènerai dans les nerfs quand ils jouissent, à l’intérieur des pires inquiétudes de la pénétration,
Dans l’œuf cosmique, le délire vibrant des étoiles, dans le goudron transmuté sous le soleil en une limace violette et grêle,
Je t’emmènerai dans la neige quand elle recouvre sous les yeux d’Éros les pyramides aux clochetons d’émeraude,
Je t’emmènerai dans le secret aztèque des coulées de lave épaisses et monstrueuses, où la cendre se mêle à un ferment nacré et jaune, dans l’anaconda du désir quand il est à la fois enfantin et inavouable ;
Je tabasserai des ours, les oiseaux du Stymphale et des cerfs à visages humains, je laminerai des cachalots anthropophages, je réduirai la nature sous mon poing de feu, parce que la nature n’existe qu’en dedans de ce que j’ai pour toi,
Je briserai le temple et la pagode, je les ravagerai à coups de dents, mon amour, je brûlerai la cathédrale et la jungle diabolique du labyrinthe, c’est-à-dire du Monde Ancien,
Et je t’emmènerai partout, je ne te lâcherai pas, tu me transperceras pour me reprendre, et tu me reprendras, tu me prendras toujours,
Je serai le calice, la lumière lente, l’hystérie d’antiques paysannes, les fausses promesses des enfants quand ils sont malades et qu’ils espèrent que la babysitter les conduira au parc,
Je serai pour toi la peau indétachée après une brûlure de guerre et l’ongle qui a poussé en travers de la gorge de celui qui n’a pas supporté la camisole,
Je serai la camisole, les électrodes, le linge glacé et le cri rouge dans la nuit de diamant,
La cicatrice à ton poignet,
Et je t’aimerai, Ariane, pour qu’enfin tu ne meures jamais.