À l’enclume avec Nabe (2025)

Approcher un écrivain ou un musicien dans le secret rougeoyant de sa forge n’est pas chose courante. Un peintre cela peut arriver. Sacha Guitry a filmé Renoir et Monet. Nous avons vu leurs doigts, la plasticité du geste, et leurs barbes qui bruissaient au milieu des couleurs que la caméra de ce temps-là ne pouvait saisir. Clouzot a immortalisé l’escrime de Picasso. De cela tout le monde se souvient. Mais a-t-on jamais vu des compositeurs au moment où ils composent, ou bien des écrivains en train d’écrire ? En étudiant les paperoles de Proust et les ratures de Stravinsky sur le « Sacre du printemps », la manuscriptologie nous a renseignés sur les procédés d’écriture : où la ligne, où l’alinéa, où le repentir, etc. Mais cette science bizarre dont le nom pue la vieille ne nous a pas donné à voir l’artiste face à son œuvre. Le seul contre-exemple que je connaisse se trouve dans le film Ceux de chez nous, pour lequel Sacha Guitry a demandé à Anatole France d’écrire alors qu’il le filmait. L’écrivain a fait deux « pâtés », a souri et a essuyé sa main sur son pantalon, puis finalement une page est apparue sur laquelle France remerciait Guitry de lui avoir donné le « funeste présent de l’immortalité » cela car « de tout le papier barbouillé dans sa vie, ce feuillet seul traversera les âges ». Hélas, ce n’était que ça. On ne saura jamais comment Anatole France a taillé ses textes véritablement artistiques. Par quel bout a-t-il attrapé les phrases des dieux ont soif ? Ce mystère demeurera indépassable. C’est ce qui rend si géniale et si illusoire la scène du Amadeus de Milos Forman où l’on voit Mozart composer son Requiem dans son lit, devant Salieri médusé. On voudrait avoir vu vraiment, seulement la porte de l’atelier est repliée à double-tour, plus épaisse que le couvercle d’une tombe, et l’orgueil a pris le masque de la pudeur, son préféré. Comment Le bateau ivre a-t-il été agencé, repris, lancé, relancé ? Nous ne le saurons jamais. Pourtant…

Pourtant j’ai découvert la semaine dernière une vidéo montrant un écrivain de premier ordre en train de travailler. Je ne sais pas s’il y a d’autres exemples comparables. Moi-même je n’en connais aucun. Il s’agit d’une capsule TikTok sur laquelle on voit le brouillon de la « Feuille Nabienne n°46 » tandis que Marc-Edouard Nabe commente les étapes de l’écriture. Nous approchons soudain au plus près de l’enclume, où le feu créateur brûle et révèle, et d’où nous pouvons voir l’artiste frapper le monolithe de ses phrases. La véritable et LA SEULE impudeur de Nabe est ici, et nulle part ailleurs !

Si la création littéraire présente à vos yeux quelque intérêt, empressez-vous de visionner ce film de quinze minutes. On y voit sur la page s’assembler peu à peu les morceaux vivants de quelque chose. Le langage en train d’avoir lieu. Victor Frankenstein a du pain sur la planche… Sa bête crie à travers l’écume. Sur la première version du texte, vous apercevrez l’absence de ponctuation, et les juxtapositions des verbes et des noms dans un seul « bloc rodinien ». Regardez la première ligne : « Oui, le 13 novembre a été une journée funeste est très triste mais pas comme ils l’entendent tous ». Ce « est très triste » laisse supposer que Nabe a d’abord dicté à son ordinateur des phrases que la machine a copiée phonétiquement (comme Salieri dans Amadeus !). Voyez l’usage du gras pour les noms de lieux : Comptoir Voltaire, Stade de France, Petit Cambodge, etc. Ces noms devront nécessairement être cités dans la forme finale, sans cela le récit serait bancal ou incomplet. Voilà pourquoi il sont en gras. Il s’agit de faire apparaître « un sous-sol des fixes » sur lesquels l’artiste enracinera la véracité de son récit. Nabe parle d’une « glaise » qu’il s’apprête à modeler. (Au passage, vous voyez qu’on se fout complètement ici du sujet !) L’auteur projette ensuite une nouvelle version du texte en nous révélant que quelques heures la séparent de la précédente. Hélas, nous aurions aimé le voir nettoyer en direct. Un peu de frustration ici, mais en se penchant sur les phrases on devine ce qu’il a fait. Les sujets-compléments sont ajustés comme des bouts de ficelle au canevas de verbes cruciformes. Plusieurs néologismes ont été confectionnés à partir de termes qui sur la première version étaient disjoints. Les points de suspension ouvrent dans le bloc plusieurs creux susceptibles à l’avenir d’être remplis ou laissés en l’état. Le gras a disparu. Le premier bloc n’était ni écrit ni oral, alors que le second bloc est à la fois plus écrit et plus oral, et constellé de points d’exclamation. Nabe cherche un équilibre phonographique. Pour que l’ensemble ait l’air oral, il faut qu’il soit ultra-écrit. Plus on travaille les phrases, plus on les fera exister dans la voix et l’oreille. Un texte qui n’est pas oral c’est toujours un texte qui n’a pas été assez écrit.

Nabe intègre des dialogues et diverses digressions, nous dit-il. Il a également corrigé les doublons et parsemé le bloc de trouvailles : par exemple « l’étronne » pour Sofia Aram, qui ne figurait pas dans le premier bloc. Entre les deux versions, je remarque au passage qu’il ne mentionne plus la Belgique. Troisième bloc. Le paragraphe est terminé. Nabe ajoute des détails physiques. Sans doute voudrait-il que nous visualisions davantage : « le sinistre concon passe-partout » devient « le sinistre barbu concon passe-partout ». Après avoir écrit et repris jusqu’à atteindre une impression d’oralité, il donne un sentiment de vision. Tous les sens y passent !

Voici la Feuille Nabienne n°46 mise en page. Nabe révèle plusieurs points capitaux que les profanes ignorent. D’abord les relecteurs. La relecture est un mal nécessaire, tous les artistes authentiques le savent. Impossible d’accrocher un cadre s’il n’y a pas un gars trois mètres derrière pour dire : « plus à gauche, un poil à droite » — le gars ne pourra pas prétendre avoir accroché quoi que ce soit, et pourtant sans lui le cadre n’aurait pas été droit. Autre point : c’est dans la mise en forme finale, avec la bonne police d’écriture, qu’on débusque les dernières erreurs, qui sont les plus sataniques. Les corrections du « bon à tirer » sont essentielles. Je suis même étonné que Nabe n’imprime pas son texte pour le relire une dernière fois sur papier. Le texte est un pacte entre voyelles et consonnes, une grille de parole, un réseau de ponctuation… L’envisager ne suffit pas, il faut le dévisager.

Nabe parle des corrections qui auront lieu celles-là une fois la feuille publiée. Dans le jargon on dit que l’auteur « bonnarde », en référence au nabi (hein !) Bonnard qui retouchait ses œuvres dans les musées où on les avait accrochées. On pense aussi inévitablement à Céline tâcheronnant encore et encore, et à tous ces artistes qui comme Nabe n’ont jamais fini.  « Pourquoi ? demande Nabe. Parce que le texte ne me laisse pas tranquille, et je ne laisserai pas tranquille le texte. C’est un combat. »  Écoutez-le encore : « De petites choses qui apparaissent, qui sourdent, comme si elles montaient du plus profond de la terre du texte. » Putain ! Dites-moi qui, à notre époque, est encore capable de parler aussi merveilleusement et spontanément du travail du poète ? À elle seule, cette phrase vaut un million de fois plus que tous les épisodes de La Grande Librairie !

À la neuvième minute (9:50), Nabe travaille à son « kalachnikovés ailés » devenu « kalachnikovisés ailés ». Phonétiquement, « vézélé » se transforme sous nos yeux en « vizézélé ». Nabe a cette idée pendant qu’il nous parle : invoquer de chamaniques vuvuzuélas !  Tout à coup il se tait, à 11:10 exactement. Quatre secondes d’un silence inouï. Puisqu’on vous dit que c’est du jazz ! Quelle chance nous avons !

Dans les dernières secondes de la vidéo, on contemple avec l’artiste le travail effectué. Là encore, c’est du jamais vu. On est à l’intérieur de ses yeux, comme si tout à coup ses phrases étaient les nôtres, et que nous nous apprêtions à les jeter dans la mer Égée avec Nabe, dans l’époque ! Ciao !

Qu’est-ce qui a été montré d’aussi « littérature» par les émissions télévisées et les magazines dits « littéraires » depuis ces cinquante dernières années ? Franchement ?

Ceux qui vilipendent et ostracisent Nabe lui en veulent à cause de ce qu’il a fait du français. Rien d’autre. Soral déteste Nabe parce qu’il voit en lui ce qu’il ne sera jamais lui-même : un artiste. Là est le vrai motif de sa haine, et d’ailleurs le seul légitime. Le gourou « E&R » se cache derrière des arguments, invoque ses théories sur le onze-septembre etc., mais en réalité il en veut à Nabe parce que Nabe sait écrire alors que Soral en est incapable. De même, les écrivains officiels (officiels donc ratés), les politiciens (presque toujours eux aussi écrivains ratés) et les journalistes (idem, bien sûr !) en veulent à Nabe moins pour ses idées que pour son art. Toutes ces trouvailles… Toutes ces phrases qui ont des yeux, un cul, une langue… c’est impardonnable !

S’il n’y avait pas Nabe, il y aurait quand même l’antisionisme, l’apologie du terrorisme, l’anticonspirationisme, de même qu’il y aurait le jazz, la boxe, Léon Bloy et John Cowper Powys. Nabe n’a rien inventé de tout cela, donc Nabe n’est pas ça. Si on lui en veut autant cela ne peut pas être pour quelque chose qu’il a relayé et nourri mais qui n’est pas de lui, et donc qui n’est pas lui. Je ne dis pas que le sujet n’a pas d’importance, mais qu’en art la manière est tout. La première fois que j’ai eu cette intuition concernant Nabe, j’ai publié un texte maladroit et je voudrais profiter de l’occasion que me donne cette vidéo TikTok pour reprendre ma copie. Pour bien comprendre ce que je veux dire, il suffit de comparer la pratique de l’artiste à la pratique la moins artistique du monde : le journalisme. S’il veut briller, un journaliste a besoin d’un bon sujet et de bonnes informations. Son journal sera digne d’intérêt parce qu’il aura collecté de vraies informations concernant tel ou tel bon sujet. Pour l’artiste, c’est exactement l’inverse. Une œuvre d’art sera digne d’intérêt si et seulement si elle dote d’une densité métaphysique tel ou tel sujet qui sans elle serait resté dans le camp des journalistes, et qui tout à coup grâce à elle sera littéralement sorti du néant et sauvé. Vous saisissez la différence ? Si on en veut à Nabe, c’est pour ses couleurs, pour ses contre-rythmes, pour son apparente fluidité, pour ses néologismes. C’est pour le nabisme. Pour la méthode. On le vilipende et on l’ostracise parce qu’il a trouvé une solution pour lutter contre le néant et sauver des sujets qui sans lui auraient continué à appartenir à Mediapart, Égalité & Réconciliation, France 2 et CNews.

Céline avait raison dans la préface à la réédition du Voyage de prétendre que ce n’était pas pour des motifs politiques qu’on le haïssait mais pour des raisons artistiques (« C’est pour le « Voyage » qu’on me cherche ! Sous la hache, je l’hurle ! »).
Parce que Nabe est haï lui aussi pour sa langue, et parce qu’il est le seul dans cette époque à POUVOIR être haï pour cela, il est le seul véritable célinien. Être célinien, ce n’est pas imiter le « !… » (qui, au passage, n’est même pas une trouvaille de Céline, puisqu’il est partout chez Mirbeau). Être célinien, c’est renverser le langage cul par-dessus tête. Rabelais était célinien. Mozart était célinien. Picasso était célinien. Et Nabe est célinien, précisément parce qu’au lieu d’imiter Céline, il a fait du Nabe et a intégré toute l’époque dans le faisceau de son appareil. Cela fait quarante ans que nous vivons à l’ère nabienne.

Je pourrais prendre n’importe quel texte écrit par Nabe pour décrire en détail les rouages de l’appareil en question. Pour le prouver je prendrai donc le dernier numéro en date de la Feuille Nabienne : le n°49, consacré à Pascal Praud et publié ce matin (8 décembre 2025). Cependant sachez que j’aurais pu faire la même chose avec absolument n’importe quel texte écrit par Nabe. En effet, depuis le Régal (1985) même si certains réglages ont changé, l’appareil, lui, est rigoureusement le même.   

Voyons cette feuille n°49 (pour ceux qui n’y ont pas accès, comme dirait Alexandra : « trois euros, bande de rats ! »). Comment reconnaît-on tout de suite que cette feuille a été écrite par Nabe ? Dès la première lecture, on remarque que le texte est tissé d’expressions retournées contre elles-mêmes :

« Matraquage pro-matraques »
« Ils se croient conservateurs, ils sont conventionnels »
« tous nationalistes, ils sont provincialistes »
« entraver le fait jouir »

Non seulement ces calembours donnent au texte sa texture mais en plus, comme avec certains paradoxes chestertoniens, c’est l’opposition des termes, ici, qui dit la vérité, et non les termes eux-mêmes. Une réaction s’opère entre des réactifs dont on pensait qu’ils annuleraient l’effet l’un de l’autre aussitôt rapprochés sur le bec-bunsen de la phrase, mais qui au contraire produisent quelque chose de nouveau et de plus solide que leur contradiction.

Ajoutez à cela les assonances néologiques dont Nabe a le secret. Lorsqu’on lit « pro-raoultisme », on croirait entendre démarrer la moto du roi gogol : « proRAou ! » Écoutez cette autre assonance, tout à fait caractéristique : « éponges à ego absorbantes ». Dites-vous que très peu d’écrivains seraient capables de manier ainsi les « a », les « o » et les « g », sans que cela ne donne à la fin un infâme… gloubiboulga !

Nabe a une façon bien à lui de décrire les corps. Pas un personnage sous sa plume qui ne soit sans chair ou sans vêtement. En général il choisit un détail qui à lui seul contient le reste du bonhomme : pour Praud la barbe blanche et la face prognathe. Nabe a tendance à caricaturer à dessein, le but étant d’obliger le lecteur à se regarder lui-même quand on lui plonge le nez dans la misère physique d’un autre. Lorsque Nabe écrit : « Et regardez son regard qui n’est jamais rieur », je ne peux m’empêcher de me demander si oui ou non mon propre regard est rieur. Nabe oblige ainsi le lecteur à se mirer dans la description d’un autre comme au jeu des sept différences. C’est très pervers et foutrement efficace. On s’identifie aux cibles plus volontiers qu’à l’archer, alors que l’on est soi-même en train de viser. Nabe crée une distance pour mieux nous envelopper dans sa phrase, auprès de son enclume et finalement nous frapper… fiou ! En écorchant machin ou machine, il cherche à tuer le lecteur, c’est-à-dire le monde entier à part lui. Il l’a toujours dit : la subjectivité est un crime. Après avoir lu la Feuille n°49, je me sentais aussi ridicule que Pascal Praud. Hélas, il y a du Pascal Praud en chacun d’entre nous. C’est ce que fait Nabe : il crée son sujet à l’intérieur de moi, et le laisse m’envahir au fur et à mesure qu’il l’arrose. À un certain degré de fusion, la cible et la flèche sont coextensives.

Nous retrouvons DANS CHAQUE TEXTE le talent de Nabe pour les diminutifs. Ici les xénophobes sont des « xénos ». Cela donne un côté amical, et empêche l’argumentaire de sonner « pédago ». Dans d’autres textes, Dostoievski est « Dosto » et les « conspirationnistes » s’appellent « conspis ». Par ce genre de stratagème, Nabe cherche à nous faire pénétrer dans l’intimité de ce qu’il touche.  

On reconnaît l’auteur des Porcs à ses « sic ». Dans la Feuille n°49 il n’y en a qu’un (« shalom sic »), mais il suffit d’un seul pour savoir où l’on est. Il y a toute une exégèse à faire uniquement sur cet usage des sic : comment Nabe les a-t-il volés aux journalistes qui en abusaient connement et les a transformés en quelque chose de pas con du tout ? Les sic lui servent à la fois à ponctuer et à effectuer un pas de côté face à la parole elle-même, comme un jazzman face à la gamme pentatonique, ou comme un boxeur qui renverrait tout à coup le langage dans ses cordes : sic !

En regardant les phrases, on verra (pas systématiquement mais souvent) une alternance entre phrases courtes, pleines de voyelles, et phrases longues, hérissées de consonnes. Là-encore un truc de musicien. Je me souviens dans Les Porcs 1 d’une phrase tellement longue et fluide qu’on acceptait sa longueur au point de s’y livrer sans reprendre son souffle, avalé par sa fluidité… jusqu’à ce que Nabe ait pitié et propose : « alinéa ? ». Ici on retrouve ce type de phrase. Exemple : « Leurs frustrations, foirages, lâchetés, désirs larvés, secrets inavouables, complexes narcissiques, ils les foutent sur le dos des victimes et des agresseurs anonymes ou des figures people pris dans les filets des faits divers. » On en a plein la bouche, n’est-ce pas, et plein les oreilles de ce final : « pris dans les filets des faits divers » ! Alinéa ?

On connaît, on re-reconnaît Nabe… à l’usage de certains composés nominaux visant à résumer la totalité du sujet en deux mots. Pour Pascal Praud : « Le convenable roi ». On sent que Nabe pourrait en écrire 99 autres aisément et que ce serait drôle, exhaustif à chaque fois, et chaque fois artistique ! Il l’a fait pour Claudel, et j’ai voulu le faire moi-même pour lui. Pour payer mes dettes.

Tous les lecteurs de Nabe savent qu’il se lit très facilement. Comment s’y prend-il ? D’abord les points d’exclamation savamment dosés qui semblent donner la parole à une deuxième voix dans le texte, comme si un commentateur sportif commentait les commentaires d’un autre commentateur sportif : « Mais non ! Au contraire !  » « C’est presque fait ! » Ce deuxième niveau crée des incises humoristiques et autres surprises qui retiennent le lecteur et l’orientent à travers des textes parfois extrêmement longs (S’il ne fallait pas manger et dormir, on pourrait lire Les Porcs 1 & 2 d’une seule traite). La fluidité vient aussi des phrases coupées en deux à l’endroit de la conjonction : « . Et », « . Mais ». Paradoxalement, c’est la capacité de l’auteur à savoir couper son fil qui donne à l’ensemble du liant. Enfin, dans de nombreux paragraphes, la première phrase introduit un élément de suspens (les théatreux diraient « planté ») qui ne sera résolu que par la dernière, laquelle lui répondra directement (« déplanté »). Dans la Feuille n°49, le dernier paragraphe commence par « Praud croit encore que c’est la gauche qui règne intellectuellement et même politiquement en France » et s’achève ainsi : « parce qu’ils [Praud et ses potes] ne se décident pas à admettre qu’ils ont gagné ». Rassemblés, ces deux morceaux introduisent, terminent et résument la totalité du paragraphe. La tension maintenue du début à la fin du bloc empêche le ton de prendre un tour pédagogique, et, assortie aux exclamations, aux conjonctions-ruptures et aux bravades néologiques, donne à la lecture cette fluidité sans laquelle on ne pourrait prétendre que le texte est nabien.   

J’espère avoir suffisamment décortiqué l’appareil pour vous prouver que celui-ci avait raison d’être et que nous aurions raison de nous en réjouir. Quant à ce dont parle Marc-Edouard Nabe, vous pouvez être d’accord ou pas, en réalité on s’en branle. Ce n’est pas parce que je vois un Fra Angelico que je me convertirai au catholicisme, en revanche je rendrai grâce au catholicisme de nous avoir donné Fran Angelico. De même je rends grâce à l’anarchisme, à l’antisionisme et à l’anti-complotisme de nous avoir donné Marc-Edouard Nabe, et j’attends que les idées contraires nous donnent un artiste qui lui arrivera à la cheville. Dans ce cas, je vous promets de me livrer à la même exégèse. Pas avant !

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1 Response to À l’enclume avec Nabe (2025)

  1. Xavier Salques's avatar Xavier Salques says:

    Vous avez ramené un peu de justice en ce bas-monde. Merci.

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