Echeveau de procédures. Héroïsme vascularisé.
Les porte-manteaux à roulettes auxquels sont suspendues des poches de liquides jaunes, violets ou transparents suivent les malades comme des chiens de garde.
Evaluations, bilans, chiffres, courbes — algèbre de la vie, mystère de la sonde et de l’avalanche ;
— les crocs du sorcier en blouse blanche.
Les bénévoles sont plus indispensables encore que ne le sont le personnel et le matériel (c’est d’abord l’âme qu’on vient soigner et l’âme a besoin de charité).
Le métier difficile des médecins et des infirmières : réconcilier le malade et l’avenir. Si le miracle ne vient pas, prévenir les proches sans pleurer. Prodiges ordinaires. Les sourires gênés des femmes de ménage… Stupeur muette. Compassion.
La cafétéria : cappuccino, sandwichs, salades, cendriers remplis de mégots et de seringues.
Les hélicoptères aux ventres pleins de tragédies secouent le disque du soleil. Même les anges s’accrochent à des perfusions.
La pénombre dégringole parfois à midi. Le jour est soulevé en pleine nuit par le cri d’un nouveau-né.
Vacillement faible mais persistant d’une bougie, possibilité de Dieu, éventualité de Rien. Hélas, la vie n’est pas mieux que la vie. La faille ne peut être comblée.
Les chirurgiens lancent des ponts aussi loin que possible mais la faille ne peut être comblée.
La souffrance oblige à la théologie. A ceux qui ne croient pas elle apprend l’espérance ; aux autres le sentiment d’avoir été abandonné.
Inquiet pour son peuple, Moïse a frappé deux fois sur le rocher.
Le Christ, fils de Dieu, Dieu lui-même, incarné, humain, fragile, au bout de la souffrance, a crié : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?