Je me suis rendu à Choisel. J’ai garé ma voiture près de l’église sur un parterre de graviers bordé de peupliers italiques. Bruit de l’eau en contrebas, chant éclaté des rossignols. Michel Tournier m’a ouvert sa porte largement. Il était grand, solide, fort. Son sourire était minéral, sa stature végétale : un chêne, un vieux chêne de conte de fée. J’ai passé l’après-midi dans le presbytère auprès du maître, à l’écouter, éveil maximum. Il m’a parlé de l’Allemande à qui tous les soirs il téléphonait mais qu’il n’avait jamais rencontrée. “Je ne veux pas oublier l’allemand”, m’a-t-il dit. Il m’a montré la souche dans son jardin, et les fleurs, les mauvaises herbes, la forme des nuages. Il m’a permis de feuilleter ce qu’il appelait des « journaux extimes ». Il m’a lu un poème écrit la semaine précédente. J’avais vingt-cinq ans. Il m’a parlé de la guerre et de Deleuze, de son échec à l’école Normale, de l’esthétique selon Kant, puis des années qu’il avait passées à la radio avant d’être écrivain. Il m’a montré une version coréenne des Météores, sans doute son plus grand roman. Il m’a dit que le vent était la respiration des arbres.
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