Penser qu’il n’y a rien après la mort sous prétexte que nous ne pouvons nous le figurer est aussi irrationnel que de croire qu’un pays, dont nous connaissons le nom mais que nous n’avons pas visité, n’existe pas. Ce pays, pourtant, a semé des indices : spores et lichens accrochés aux ventres des navires, parfums infusés dans l’eau de pluie, lignes sous les yeux des voyageurs, certains reflets au loin, l’aiguille d’une horloge coincée entre le soleil et la courbure de la Terre, présomptions légendaires, cartes au trésor, rumeurs acharnées : pas assez pour prouver que ce pays existe, mais trop pour penser qu’une telle éventualité puisse être rationnellement exclue.
Le problème ici vient de notre incapacité à nous figurer un pays seulement rempli d’être, sans temps ni espace, un dépaysement total, la fusion de la vie et de son principe. Faire de cette incapacité de la raison la cause d’une négation en se réclamant de la raison, et tirer un trait définitif sur l’hypothèse de l’éternité au nom de la rationalité, relève de l’inculture au mieux, de la bêtise sinon.