Certains chrétiens trop fervents finissent par souhaiter mourir, car le jour de leur mort, enfin, ils verront la face de Dieu. Ils ne craignent plus la mort, donc, mais, pire, ils l’espèrent. (Est-ce arrivé à Simone Weil ?…) Il s’agit là je le crains d’une terrible erreur. La mort n’est pas souhaitable. Le vivant doit avoir peur de mourir. Être vivant , c’est avoir peur de mourir. (C’est à cause de cette injonction métaphysique que Camus disait du suicide qu’il était “le seul problème philosophique vraiment sérieux”.) Dieu ne nous propose pas de ne pas souffrir, pas plus qu’il ne nous demande de souhaiter mourir. Ce qu’Il nous demande c’est d’accepter le mystère de la souffrance sans pour autant en souhaiter l’épreuve. Jésus lui-même a peur de la mort. Il est tenté d’y renoncer. « Arrière, Satan! Tu ne conçois pas les choses de Dieu, tu n’as que des pensées humaines » (Mc 8:33 ; Mt 16:23). Il dit cela à Pierre, c’est-à-dire à l’Église. « Ne me détourne pas de la mort, mais ne me fais pas non plus la souhaiter. L’un et l’autre sont contraires à la volonté de mon Père. » On ne comprendra plus ni sa peur ni sa tentation, ni son sacrifice, si l’on croit que la mort est souhaitable, pas plus qu’on ne les comprendra si l’on croit qu’elle est la fin de la vie. Ce n’est pas pour rien que nous demandons à Marie de prier pour nous à l’heure de notre mort. La mort est un déchirement. Elle est le point central du doute : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » dit Jésus avant d’extraire son cri atroce. Elle est négation, empêchement. Sur la Croix, la vie ne triomphe pas d’un mensonge, mais de la mort. Elle triomphe de la mort. Le vrai amour ne consiste pas à dire à l’autre “si tu existes la mort n’existe pas”, mais “tu existes et tu ne mourras pas” (cf. Gabriel Marcel). La mort existe, elle existera. Le démon n’est pas l’image d’un démon. Le démon est le démon. Le Christ n’a vaincu ni la peur ni la tentation, qui ne sont aux yeux de Dieu que des effets. Ce qu’il a vaincu c’est à la fois la cause et le résultat de la peur et de la tentation : Satan, le tentateur. A nous de L’imiter, puisqu’Il est le Chemin. Comme Lui, nous ne devons ni céder à la tentation de souhaiter la mort, ni à celle d’y échapper.
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Il me semble aussi que ne pas aimer vivre, vouloir se débarrasser de la vie, est le signe d’une âme malade. Oui, je crois que Jésus a aimé sa vie terrestre, qu’il a tenu à elle et à ce corps par lequel il nous a rejoints. Survivre à tout prix, certainement non, mais croire que le temps ici ne vaut pas plus qu’un petit exercice dont on pourrait se passer, c’est bien présomptueux et surtout triste. Joyeuses Pâques Guillaume !
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