“Les bien-pensants écrivent de la mauvaise littérature, parce que leur bien-pensance les rend aveugles et sourds à un pan gigantesque de la réalité. En voulant être bons ils sont faux, et donc mauvais. Soucieux d’éviter cet écueil, certains croient que la bonne littérature se doit d’ignorer les catégories de bien et de mal — d’être ailleurs, ou au-delà. Le remède, hélas, s’avère aussi nocif que la maladie qu’il voulait guérir. Pour éviter une cécité on en contracte une autre, car les catégories de bien et de mal appartiennent à la réalité d’une âme humaine. L’écrivain n’a pas à faire la morale — certainement pas —, mais il a à exprimer l’humaine condition dont le phénomène moral fait partie, aussi adhérent à notre être que l’est notre peau.”
Olivier Rey, Le testament de Melville — penser le bien et le mal avec Billy Budd, Introduction, 403-413