L’être est servi par les mots. Un mot dit ce qui est. Une rose est une rose est une rose. L’avoir est servi par le nombre. Le nombre dit ce que j’ai et non cela qui est. Si j’ai dix pétales, je n’ai pas forcément une rose. Si j’ai dix fleurs, je n’ai pas forcément un bouquet, mais si j’ai un bouquet j’ai un bouquet, parce que l’avoir-bouquet est l’avoir-bouquet. L’être ne peut pas être exprimé par le nombre. L’être est ce qui subsiste, ce qui insiste, ce qui reste. L’avoir est ce qui n’existe qu’en passant — et pour passer.
L’être n’a rien. L’avoir non plus n’a rien. Personne n’a jamais rien que pour un moment, c’est-à dire que personne n’a rien.
L’être est. L’avoir est. Même mort, celui-qui-a-vécu est. On ne dit pas “il a vécu” mais “il est mort”. Il est.
Le lieu de l’être est la conscience. Celui de l’avoir le marché. Le big data ne dit rien, il compte — ça pour compter il compte — mais il ne se rend compte de rien. Aucune intelligence n’est numérique, numérisée, artificielle. La science du calcul ne peut saisir que ce qui est variable, c’est-à-dire qu’elle ne peut saisir que ce qui dans la Réalité n’est pas la Vérité, et pourra être jeté en pâture au marché.