« Face à l’infinie richesse du monde matériel, les fondateurs de la science positive sélectionnèrent les objets quantifiables : la masse, le poids, la forme géométrique, la position, la vitesse. Et ils en arrivèrent à la conclusion que « la nature est écrite en caractères mathématiques », alors que ce qui était écrit en caractères mathématiques ce n’était pas la nature, mais… la structure mathématique de la nature. (…) Ainsi le monde des arbres, des animaux et des fleurs, des hommes et de leurs passions, fut transformé en un ensemble glacial de sinus, de logarithmes, de lettres grecques, de triangles et de probabilités. Et ce qui est pire : en rien d’autre que cela. Tout scientifique cohérent se refuserait à tenir des considérations sur ce qui se trouve au-delà de la structure mathématique ; s’il le faisait, il cesserait au même moment d’être un homme de science, pour devenir un religieux, un métaphysicien ou un poète. La science au sens strict du terme — la science mathématisable — est étrangère à tout ce qui a le plus de valeur pour l’être humain : ses émotions, ses sentiments, ses expériences artistiques ou de la justice, ses angoisses métaphysiques. Si le monde mathématisable était le seul véritable, ne seraient pas seulement illusoires les châteaux en Espagne, avec leurs dames et leurs jongleurs : le seraient aussi les paysages de la veille, la beauté d’un lied de Schubert, l’amour. Ou au moins, serait illusoire ce qui en eux nous émeut. » (p.67-70)
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