… où nous serons sur une seule autoroute, ensemble, dans la même direction, à fond, vraiment à fond, ô totalité, ô fascisme, ô joie lunaire et morte du progrès ! Chacun dans sa technologie, seul, clignotant pour doubler, vitesse limitée. A la moindre collision, le corps éclate, l’âme se divertit, c’est le bouton qui saute, le sang partout, la longue flaque de merde aux Champs d’Amours, slalomant entre les fossiles des hérissons et des robes de mariée. A la moindre collision, le corps deviendra enfin une machine, il y aura le foie autour de l’essieu, les yeux collés dans les compteurs, les dents dans la radio, la langue au fond du GPS, le cul autour du frein à main et les mains, quel rêve, écrasées sous le frein. C’est demain. C’est déjà. Je suis une force qui va si vite que tu ne me vois pas à l’intérieur du véhicule. Pour toi, je suis le véhicule, l’avoir-à-cent-trente-à-l’heure, aux couleurs mirifiques. Adieu substance, être-là ! Adieu demeure ! Bonjour vitesse, télépéage ! Bonjour, ondulations ! Je suis dans la voiture un signal tout entier, moi, ma voiture, les enfants dans le dos, les couples côte à côte, chacun devant un DVD américain. Le nihilisme est un échangeur autoroutier, le progrès a trouvé son organe. Roulez, foncez ! Demi-tour impossible ! La DDE a licencié les anges. La mort est une glissière à Châteauroux, l’hôpital une pompe à essence. Il n’y a pas d’église dans les aires. Pour ce qui est du Vrai, du Bien et du Beau, il y a encore la bande d’arrêt d’urgence, mais deux minutes d’espérance de vie. Quant à la Nature elle a été limée, ravalée, défoncée pour que les voitures passent plus vite, et, dit-on, sans danger. Croyez-vous qu’Euripide ou Shakespeare nous envieraient ?
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