Le collecteur d’impôts

La paume de sa main c’est sa main, et sa main tout entière c’est l’action de sa main. Le collecteur est collection. Il prend, il entrepose, il soumet. Pour être, dit-il, il faut payer. Cela doit vous coûter quelque chose. On n’est pas quitte à la naissance. À la mort on n’est pas acquitté. Et ce faisant il pisse une colle acide où barbotent comme en un bain de lait les serpents nouveau-nés du Trésor Public. Ses jambes sont fondues à sa chaise épineuse et ses dents pointues dessinent autour de sa langue de petites pointes noires et violettes. On dirait une vieille fleur gluante. Il a les yeux dans les narines, le cheveux rare et rabattu sur son front proéminent, la bosse des mathématiques. Il est dans l’ombre détestable — près du rocher sacré de la Raison d’État. Ses contemporains se tiennent aussi éloignés que possible de sa présence où ils risqueraient d’être pris comme à des barbelés. Pourtant un jour l’un d’eux s’arrêtera et posera son regard plein d’amour sur cet homme, sur cette main, sur cette action indigne, en lui disant : “Suis-moi”. Et ce jour-là le collecteur se dépliera, se lèvera, et, plein d’amour, le suivra.

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Guillaume Sire
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