Le collecteur de beauté

— Que fais-tu comme métier ? — Je prends des barres à mine et je me les enfonce dans les yeux, je casse des émeraudes avec mes dents. Je me roule, je me désespère dans la beauté. Je demande à Dieu des trucs invraisemblables. Je pleure pour des gens que je ne connais pas. Je donne des coups de pied dans des drapeaux, mes pieds s’emmêlent, c’est con, je dégringole dans la farine de Galilée. Je tabasse des tyrans à peau d’écailles, une sacrée bagarre. Je picole pendant des heures, des vins hallucinatoires, la gueule dans le seau carrément. Je creuse la terre près des villes, au cas où on aurait manqué quelque chose. Je ressens en moi vibrer l’océan pacifique, les paquets d’eau salée, les requins grands comme des granges. Je me souviens de tout. J’oublie, puis je m’en souviens encore. J’entasse des sirènes sur mon dos, je leur fais traverser la forêt. Elles sont lourdes mais elles ont une odeur géniale de cuir et de miel brûlé. — Mais à quoi ça sert tout ça ? — A rien, dieu soit loué. — Mais on te paye ? tu es payé ? — Je suis Midas. Tout ce que je touche devient ma paye. — Mais du coup, c’est quoi, ton métier ? — Poète, collecteur de beauté.

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Guillaume Sire
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