Le lys des dunes avait installé dans la grande tranche de la mer son nid de sable, et dans le ciel un lacis de sel,
Quand dans un mur compact et translucide comme du verre blindé ou de la glace par moins trente, une ombre, molle et angélique, se leva.
Nous volions Icare et moi depuis six jours et sept nuits au-dessus des récifs, à travers la tempête. Nous traversions le feu, le yaourt, la cendre, à mi-chemin de la terre impensable et du ciel impossible — disons, pour faire vite, quelque part entre Tolstoï et Dostoïevski ;
Quand cette ombre se leva : l’inverse d’un serment.
Notre liberté aussitôt devint grise et impure, semblable à celle de l’eunuque devant son ancienne maîtresse, sa petite amoureuse des temps jadis… Les dieux, hein, n’existaient pas.
Qui peut comprendre ça ? Icare ne s’est pas, comme on dit, “laissé emporter”. Il n’était même pas orgueilleux ou pressé.
Qui peut comprendre qu’en dehors de la geôle l’appui manque au cœur de cette paroi épaisse et froide qui l’empêchait d’être avec l’autre, l’inconnu au masque de fer, l’étoile de la cellule voisine, tout en lui permettant de communiquer avec lui ?
Qui peut comprendre qu’en plein vol Icare n’avait plus que lui-même, et moi, c’est-à-dire l’ombre de lui-même ?
Et comprendre cette logique qui n’a rien à voir avec la folie dont on l’accuse, mais procède au contraire d’une intelligence de la terre et d’une méthode d’artisan;
Qui peut comprendre que cette logique l’ait poussé à la fois vers le soleil et la mer ?
…et savoir que la damnation c’est ça. C’est exactement ça !
Icare, lui, savait. Icare l’avait compris.
Quand l’autre n’est plus là pour l’entraver, le désir d’être cède à celui d’avoir été.
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