à Guillaume Boussens
Nulle matière n’est du langage comme celle-là,
Qui tout entière est en ruptures, en conjonctions salines, en apostrophes divinatoires et en claquements de langue ;
Et se trouvait déjà dans l’ombre avant que l’ombre fût, tout entière substance et transsubstantiation, signe et signature,
Nulle part le ciel comme en elle n’a été cousu à la terre, aux antimoines, aux vagues immobiles du calcaire, aux souvenirs des tyrannosaures, au fer, au Temps, à la glace, à la vapeur ;
Nulle part physique et métaphysique ne furent à ce point confondues,
Nulle part comme en cette couleur n’est chaque couleur, c’est-à-dire chaque mot, du plus sinistre au plus sensuel, du plus ramassé au plus lyrique, au plus vrai, au plus éthique, et jusqu’au plus mafieux : « silence ».
Nulle part Dieu n’existe comme en ce sang où les catholiques n’osent plus tremper leurs lèvres,
Et nulle part il n’est Dieu comme au pressoir, sous le déluge et le fouet, à la flamme, à la couronne d’épines du pressoir…
Nulle part la mémoire n’a embrassé le mystère de l’intuition comme dans l’ivresse de la treille,
Et nulle part la pierre du tombeau n’est aussi facilement roulée qu’en ce lieu où l’ange cinq mille ans avant le Christ, déjà, l’attendait ;
Où Cana est Calvaire,
Et d’où l’épi a surgi, liquide — arche d’alliance ouverte ! onction éternelle !
La durée qui altère et détruit, l’élève et le déploie ; la fermentation le purifie et, ce faisant, sous la mort — sous l’orifice compact de la mort — la promesse grandit…
La liane du raisin poussée sur la Croix bientôt (bientôt mon frère !) la soulèvera.