Les enfants grimpent dans les nids d’aigles. Leurs pères sont à l’atelier avec un matériel invraisemblable occupés à mesurer le potentiel Hydrogène du fromage.
Soleil d’agate, miel fermenté de l’automne…
Après quelle danse t’ai-je perdue ? Derrière quelle usine impeccable ?
Le ciel se rapproche, de plus en plus compact, collé à la rétine comme un mur invisible et plat. Sa profondeur est en trompe-l’œil. Tout est ramené à l’avant-scène par un impressionniste de seconde zone,
Mais malgré la maladresse de la Nature, malgré son mensonge organisé, une pointe vibre sous la toile ratée : un grelot de métal dans l’eau claire, derrière la gouache maousse, approximative, d’un abîme fait-exprès.
De quoi le temps a-t-il raison qui est moins un souvenir qu’un acte manqué ?
Où vis-tu désormais ? Es-tu encore là-bas, sur la terrasse du café, au bord du lac de la gitane Ada ?
La pointe cherche à casser le mur de glace. On devine à peine sa canine de bois et d’étain dans le gratin du ciel…
Te souviens-tu, Sarajevo dans sa robe scintillante ? Les tanks rouillés ? Les poids-lourds près du circuit de karting ?
…et dans l’aplat elle produit des effets sensationnels. Imaginez une trouvaille élémentaire, revenue d’avant la Terre, directement câblée au tohubohu, le souffle sur les eaux, décidée à crever notre puzzle-planisphère.
Et puis, miracle… Un stylet découpe dans la nuit un lumignon géométrique. Rien, jamais, ne fut aussi parfait, aussi parfaitement découpé. Tous les artistes, de tous les temps, sont rhabillés pour l’hiver.
J’ai téléphoné deux fois ; la deuxième tu as décroché mais je n’ai rien dit.
…à quel fantasme est-on voué au point de prêter lâchement à sa cause l’absence immense de nos bienfaits ?
Le flocon barbote dans l’empyrée, tandis qu’à son contact le paysage bascule et s’éloigne à la dérive, au hasard, dans un fleuve de lait…
La profondeur revient, le billard est crevé, bientôt tout sera neuf : le couteau-papillon de Dieu est aiguisé…
Les brûlures de la Révélation, les scandales disparaissent… Le ciel se désorganise. Adieu, qui-a-été !
J’ai lu, tu sais, Le pont sur la Drina. Quinze ans après, j’ai fini par t’écouter !
Le blizzard plonge ses tentacules dans le miroir du Temps. Son marbre bave. Il couvre de pommade les égratignures des champs et les stigmates purulents que les collines ont sous l’aine, aux flancs,
Hier ravagé, constamment dérangé par un bégaiement, le paysage désormais est en molletons et en coussins d’argent. Fixe… Parfaitement retenu. Parfait.
Après quelle danse t’ai-je perdue ? Pourquoi ce soir es-tu partie sans moi ? Il faisait froid…
Puis c’est la fonte et la cacabouillasse, la tectonique et la sublimation. Les fleurs déchireront la coquille de noix de l’Europe. L’ordre reprendra ses droits cosmologiques en creusant sous la plaie ; la rouvrant comme à la naissance. Les couleurs reviendront. Elles boiront le néant qui ne sera qu’un goût, une chaleur au bout des oreilles, dans l’écurie, près du foin moussu.
…l’as-tu trouvé, ce taxi ?