Caïn, le sédentaire. Abel, le berger. Celui qui reste. Celui qui part. Celui qui attend. Celui qui avance. La haine de Caïn. L’indifférence d’Abel. Les deux faces de l’Homme. L’Homme divisé contre lui-même.
Puis le meurtre, le premier meurtre… Le premier détournement total. Le premier homme mort, dans le Temps, n’est pas mort à cause du Temps. Il n’est pas mort à cause de Dieu. Il a été tué, assassiné, par son frère, c’est-à-dire par un autre lui-même.
Pourquoi l’a-t-il tué ? Parce qu’il n’aimait plus Dieu. Il ne le comprenait plus. L’envie, le désir mimétique… Si on aime Dieu, on aime le prochain. Si on respecte le prochain, on respecte Dieu. Il y a identité de l’axe vertical et de l’axe horizontal. Le Christ, c’est le centre, où se croiseront les axes.
Tout de suite après avoir tué Abel, à qui il ne pouvait mentir, Caïn ment à Dieu, qu’il ne peut pas tuer.
Le sédentaire sera vagabond. Il n’en sera pas moins sédentaire, et, donc, il sera triste, triste… Il a tué l’autre lui-même, et, donc, il sera seul. Si seul… Quiconque le trouvera le tuera, et, de fait, s’éloignera de Dieu davantage qu’il ne s’en est éloigné lui-même. L’Humanité divorce.
Caïn habitera l’Orient. Il vivra à l’intérieur d’un mystère.
Eve enfanta un autre fils… L’Humanité se répandait. Dieu était Seigneur, parce qu’il était plus loin, et parce qu’il devait régner sur des hommes qui, sans lui, eussent été divisés davantage qu’ils ne l’étaient déjà — et qui, malgré lui, l’étaient de plus en plus. Le Temps passait, filait, s’épaississait.