La substance des îles

HERMOGÈNE. À Guernesey ou ailleurs, le français c’est le français, l’anglais c’est l’anglais, et vice et versa.

CRATYLE. Donc tu n’as rien compris…

HERMOGÈNE. Jamais un mot n’a tiré un poisson hors de l’eau.

CRATYLE. Donc tu n’as rien appris… Dieu t’as donné le brin d’herbe, et toi qu’as-tu fait ?

HERMOGÈNE. Je l’ai arrosé.

CRATYLE. Tu as généralisé !

HERMOGÈNE. Je l’ai disséminé.

CRATYLE. Tu l’as arraisonné !

HERMOGÈNE. Un brin d’herbe ce n’est pas une île.

CRATYLE. Chaque mot c’est une île.

HERMOGÈNE. Et l’océan alors, qu’est-ce que c’est ?

CRATYLE. C’est un mot, c’est une île…

HERMOGÈNE. Dans ce cas, qu’est-ce qui les sépare, tes îles ?

CRATYLE. Ce qui les sépare, c’est ce qui les tient les unes aux autres, par en-dessous : une seule sub-stance…

HERMOGÈNE. L’eau ?

CRATYLE. Le feu.

HERMOGÈNE. L’espace ?

CRATYLE. Le temps.

HERMOGÈNE. Le ciel ?

CRATYLE. Le Ciel.

HERMOGÈNE. Qu’est-ce qui les sépare ?

CRATYLE. Ce qui sépare la musique du bruit.

HERMOGÈNE. Qu’est-ce qui les unit ?

CRATYLE. Ce qui unit la fleur au fruit.

HERMOGÈNE. La mort ?

CRATYLE. La vie.

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