Toulouse – retrouvailles

Je reprends le chemin du lycée Fermat, la rue des Paradoux et son manteau de briques roses, la rue Sainte‑Ursule et ses magasins de bandes-dessinées ; je m’arrête devant la porte intimidante de l’hôtel Bernuy, sa tourelle et son Ginkgo biloba, arbre majestueux aux feuilles dorées et au tronc gris qu’on appelle “arbre aux quarante écus” ou “abricotier d’argent” et qui a la particularité de dégager en automne une insoutenable odeur de beurre abîmé et de vomi ; je me promène au bord de la Garonne lascive, lézard venimeux, wisigothique ; je passe sous le Pont Neuf par les bouches duquel jaillissent des tubes de soleil, sur la rive faisant face à l’Hôtel Dieu, forteresse les pieds dans l’eau, ancien hôpital des maladies contagieuses, temple vénitien amarré à la ruine d’un pont qui fut emporté par une crue jadis mais dont on a laissé une arche afin que les pestiférés y déambulent au grand air sans côtoyer le peuple sain ; je revois avec émotion le mamelon vert du dôme de la Grave et le carré ombragé de la place Saint‑Pierre, où il y a ce bistro tenu par une femme très petite, aux cheveux rouges, que les lycéens adorent comme une déesse antique ; je me réfugie parmi les arbres du Jardin des Plantes : le sophora du Père David, les cèdres à encens de Californie, la souche du cyprès chauve… ; je reviens vers le cloître calme et équilibré des Augustins, où les gargouilles et les chapiteaux côtoient les délires du sculpteur Falguière : néréides d’albâtres entortillées dans des draps d’où émergent des monstres, évêques gras et autoritaires, flammes de pierre ; je longe les murs épais de la basilique Saint-Sernin dont le clocher octogonal pointe du doigt le ciel, sacrilège, comme pour l’exhorter à une nouvelle nouvelle alliance — la bague éclipsée du soleil !  ; je m’arrête un moment sur la place de la Trinité, où j’ai passé tant de soirées inoubliables dans le lieu dit de L’Echanson ; je revois tout cela et d’autres choses ; j’entends trembler les clochetons et les ruelles ; je me rappelle et je retrouve cette vie simple qui fut la mienne — il y a combien de temps ! — française autant qu’espagnole et maghrébine, helléniste, cathare, absolument méditerranéenne, un peu océanique ; je me souviens du calme bruyant et de la chaleur écrasante du mois d’août.

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Guillaume Sire
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