La Cause non causée

Si l’étude empirique et l’analyse descriptive des phénomènes en tant qu’effets peuvent mener à quelque chose, c’est à une cause intermédiaire, c’est-à-dire à un effet du vrai néant ou de la vraie lumière, en tout cas de la vraie Cause. S’il avait été possible de remonter des effets à une cause qui n’aurait pas été une cause intermédiaire, autrement dit à une cause non causée, la Cause de tout, alors la science aurait découvert depuis longtemps ce qu’il y a au-delà de la matière, du temps, de l’espace, des lois physiques et humaines, de l’infiniment petit (après le Boson, c’est sûr, nous trouverons plus petit, et encore plus petit…) et de l’infiniment grand (nous observerons toujours plus loin dans le ciel sans jamais avoir observé tout le ciel…), au-delà de la logique et de la morale ; si elle l’avait pu, la science aurait découvert depuis longtemps la Toute Logique et la Toute Morale ; quand bien même cette Toute Logique et cette Toute Morale seraient un Rien-du-Tout, elle l’aurait découvert (attention ici : prétendre que si la science n’a pas découvert le secret de l’univers, c’est que ce secret n’existe pas, c’est avoir trop confiance dans les capacités explicatives de l’homme, et c’est donc un péché d’orgueil et non une preuve, alors que prétendre que les hommes ne seront jamais capables de découvrir la vérité concernant la cause non causée est exact, ainsi que le démontre très bien le phénomène d’incomplétude énoncé par Gödel : les théorèmes indécidables…). Au lieu de quoi la science continue à chercher — et c’est tant mieux à condition qu’elle le fasse avec humilité, c’est-à-dire sans jamais vouloir remplacer la Cause par une cause intermédiaire, ni vouloir devenir plus puissante que la puissance elle-même (même si la cause première était un Rien-du-Tout, alors ce Rien-du-Tout serait la puissance elle-même), ni croire qu’elle pourra formuler autre chose qu’une cause intermédiaire — tandis que l’homme (y compris les hommes de science, tous les hommes), n’a qu’un recours : méditer, c’est-à-dire chercher à remonter le fil qui va des effets à la cause autrement qu’en ayant recours à une infinité de causes intermédiaires, chercher à remonter ce fil plus directement, plus fondamentalement, par l’intelligence du cœur, outillé par l’intuition, qui est une grâce, et recueilli dans le silence de sa chapelle intérieure, pour voir, enfin, avec son âme plutôt qu’avec ses yeux, les yeux de son âme, “ce que l’homme a cru voir” : l’Être lui-même, la Vérité, le Principe, la Cause non causée, Ens a se.

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