“La science n’est pas la morale ; le savoir n’est pas le bien ; la logique n’est pas la vertu. Les Anciens l’ont cru, faute de profondeur. La science est une voie au souverain bien ; mais fût-elle la mieux frayée, la plus égale et la plus solide, elle n’est pas la plus sûre ni la seule.
La vraie raison se moque de la raison. La vraie raison ne prend pas la machine pour le mouvement, ni la mécanique de l’ordre pour l’ordre même.
La toute-puissance de Descartes, quelle que soit la conclusion de Descartes lui-même, consiste à ouvrir la voie à toutes façons de douter, de chercher, de savoir et non pas de conclure. A cet égard, Pascal seul a compris Descartes en son temps. Les autres, en se fondant sur Descartes, appuyaient leur certitude à la force qui devait en faire la ruine. En Descartes, je vois la vraie science, la science libre, celle qui, pour aller de l’avant, doit toujours détruire : la révolution contre l’erreur qui ne finit jamais. La raison est toujours rebelle à toute autorité, et à l’abus de la raison même, comme à la contrainte du dogme. Il ne faut pas conclure.”
André Suarès — Notre Pascal, 1912