La haine est une force concentrique. Elle presse plus qu’elle n’étend, et rassemble en pressant un groupe qui ne serait pas un groupe sinon mais une somme déliée d’individus bizarres les uns aux autres. Elle trie au fur et à mesure qu’elle complexifie, et assure à cette somme une unité en la poussant d’abord vers une minorité, puis vers un représentant jugé exemplaire, haï donc responsable et responsable donc haï, y compris par les membres de sa minorité, reconnu entre tous comme la raison de ce qui, chez tous, est mauvais et menace l’équilibre de la meute, tandis qu’il est aussi et pour le moins paradoxalement ce qui a permis à la meute d’exister.
Bref, il y a un mécanisme.
Et il y a un corps. La haine est un phénomène physique autant qu’elle est une drogue morale.
Les substances agissent, les lignes historiques se tendent, la meute se rassemble quand, dans un soulagement morbide, la cible est désignée ; des millions de cœurs s’unissent autour d’un doigt pointé… Une nation, alors, est née. Voilà pourquoi le nationalisme est toujours et d’abord un acte accusatoire : la nation est un doigt pointé par des millions de cœurs excités.
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