Pain

Aucun aliment n’est saint comme toi, aucun aliment comme toi n’est appelé — et n’est parabole à ce point,
Phrase faite chair, mystère à manger, suggestion de justice et de paix.
Si tu veux boire le vinaigre de ma mémoire, sers-toi, trempe, éteins-la ; absorbe après lui le beurre, le venin et le chocolat.
Nourriture de pitié… rassure-moi.
Quignon des pauvres, qui leste leur estomac pour les empêcher de tomber dans une de ces nuits d’où la Droiture s’est absentée,
Lenteur… enseigne-moi la Charité.
Antienne du moulin, où le rat fait son nid tandis que la moisissure du seigle pourlèche ses petits,
Nouvelle alliance, présence du Christ, gâteau de sang, compagnon de l’enfance fourré dans le papier d’aluminium au fond de mon cartable, près de la trousse à crayons et du cahier à spirales,
Silence… renouvelle ma Joie.
Chaque matin je te retrouve, moi qui ne dors jamais, quand ton parfum hante la ville à quatre heures, derrière la Halle où l’on sent ta chaleur et l’on entend ton froissement épais et angélique,
Et voilà qu’à cet instant les étudiantes reviennent de leurs soirées clandestines, la volonté scellée à leurs désirs,
Mais ton parfum leur rappelle l’enfance, la campagne proverbiale, celle des lotissements, les santons du 6 janvier dans la galette, bondieuseries en faïence, sous la dent,
Miracle d’une autorisation exceptionnelle, et sur leurs genoux est ravivée la brûlure fraîche des herbes hautes —
Et chaque fois je te retrouve, moi qui ne dors jamais, et me réchauffe comme à un feu à l’énigme du Corps livré.

About Guillaume Sire

Guillaume Sire
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