Chat

Cette nuit un chat s’est installé dans ma gorge. Il aura profité que j’étais mené par le bout du nez cette fois encore par l’assassin qui prétend dans mes rêves être l’ombre d’une femme (pour le dire autrement je dormais la bouche ouverte). Il a fait son nid d’abyssin dans le département du langage. Il a léché mes glandes avec sa langue sèche, agile, râpeuse. Un gros matou éborgné, une boule de poils 1920, un hyperchat aux yeux jaunes. Tout de suite il a roucoulé, et moi je m’étouffais, et j’essayais d’appeler à l’aide, inondé de feutre, pendant que lui l’envahisseur au pelage mauve miaulait comme une courtisane!

Quand les premières lueurs ont plié le point du jour, la bête a eu faim. Elle a mangé la bibliothèque. Un à un mes souvenirs se transformaient en hachis parmentier. Je toussais, débile, illettré ! J’étais neuf et sincère comme un nouveau né ! Ce petit salopard dans mes entrailles avait les moustaches trempées de bile et de sang ! Il purgeait mon cerveau ! La panthère mangeait l’hippocampe !

Bien repu, lourd et ventripotent dans la flaque encore fumante de mon passé, installé dans son poil lisse et gras de lionne, il a baillé le traître. On voyait les canines longues et tranchantes. Puis il a quitté ma gorge à midi. En ouvrant les yeux je me suis rappelé que j’avais beaucoup bu et fumé hier soir. J’aurais sans doute conclu que tout ça n’était qu’un cauchemar idiot s’il n’y avait eu sur le lit ces inflexions régulières du drap. Je me suis éclairci la gorge et quelques minutes plus tard, en ouvrant les volets… je ronronnais.

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Guillaume Sire
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